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Hyacinthe SAWADOGO, docteur en mécanique, énergétique et matériaux

vendredi 5 février 2010

« Comportement en fatigue des composites monolithiques et sandwiches : détection et suivi de l’endommagement par techniques non destructives » ; c’est une thèse sur ce sujet quelque peu barbare qui a valu le titre en docteur en mécanique, énergétique et matériaux, avec la mention très honorable, à notre jeune compatriote Yacinthe Sawadogo. C’était en décembre dernier à l’Ecole des Mines de Douai, dans le Nord de la France. Lefaso.net est allée à la rencontre du jeune docteur qui nourrit plein d’idées et de projets pour l’avenir et pour le Faso.

Quel a été votre parcours ?

D’abord mes meilleurs vœux pour l’année 2010 à tous les Burkinabè dans le monde, ainsi qu’au Faso.net. Je tiens à remercier l’équipe du Faso.net de l’opportunité qu’elle me donne de pouvoir m’exprimer sur mon parcours.
J’ai fait ma scolarité de manière internationale. J’ai fait d’abord l’internat des frères des Ecoles chrétiennes de Toussiana, au Burkina Faso où j’ai appris la discipline et le goût de la réussite. Après le brevet (BEPC) j’ai été admis au Lycée Technique de Ouagadougou grâce à l’entrée en seconde où j’ai obtenu le baccalauréat du technicien en construction mécanique (série F1) en 2001.

Après mon BAC F1, j’ai obtenu une bourse pour aller au Maroc pendant deux ans, pour l’obtention d’un Diplôme Universitaire de Technologie en Génie Mécanique et Productique à Fès. Ce séjour m’a appris à découvrir une autre culture et à me battre pour réussir. Après le D.U.T. mes notes m’ont permis d’être sélectionné sur dossier pour poursuivre les études en école d’ingénieur.

De 2003 à 2006, j’ai obtenu un diplôme d’ingénieur en conception mécanique à l’école Polytech-Lille dans le nord de la France. J’y ai appris énormément de choses sur la conception et le calcul de structures, des systèmes mécaniques et industrielles dont le fonctionnement a toujours été d’un grand intérêt pour moi.

En même temps que ma dernière année d’école d’ingénieur, j’ai fait un DEA en mécanique des solides à l’université des Sciences et technologie de Lille afin d’acquérir des compétences en recherche scientifique.

Suite à mon stage de DEA, j’ai été recruté comme allocataire de recherche pour faire une thèse dans le domaine ferroviaire au Centre de recherche de l’Ecole des Mines de Douai dans le projet ULTIMAT (Utilisation Innovante de Nouveaux Matériaux). C’est un projet qui s’inscrit dans le cadre du pôle de compétitivité I-Trans et est piloté par Alstom transport, l’un des leaders mondiaux de la construction ferroviaire.

Pendant combien de temps avez-vous travaillé sur cette thèse ?

La durée normale d’une thèse dans notre domaine est de trois ans. J’ai eu la chance d’avoir un encadrement de qualité qui m’a permis de boucler cette thèse dans les temps, exactement d’octobre 2006 à septembre 2009.

Cela représente beaucoup de travail, quelles ont été vos sources de motivation ?

Mes sources de motivation sont multiples. Je n’en citerai que trois : la première est le goût de la réussite et du travail bien fait, suscités par mon père Raogo Antoine SAWADOGO qui a réalisé énormément de travail, notamment en matière de décentralisation, et continue à le faire avec autant de dynamisme en faisant de la recherche en socio-anthropologie. Je fais donc en sorte de faire encore mieux que lui puisqu’il a placé la barre très haute. La deuxième est ma famille à qui je dis merci en passant et surtout ma femme Kaboré Fatimata qui fait une thèse actuellement en finance à l’université Paris XII. Elle n’a pas manqué de me motiver à chaque fois que je rencontrais des difficultés. La dernière source de motivation mais pas des moindres, c’est de croire que le Burkina Faso et toute l’Afrique peut prendre son destin en main et s’accomplir.
Je crois qu’à force de travail, de pragmatisme et d’unité, nous pouvons atteindre le niveau de développement permettant à tous de profiter de manière satisfaisante de la vie. Et ma plus grande motivation est de participer à ce développement en utilisant toute mon énergie afin de prouver au monde que le Burkina Faso et l’Afrique en général peut réussir.

Pouvez-vous expliquer, en quelques mots en quoi consiste votre thèse ?

Pour bien situer les choses, je dois expliquer qu’une thèse dans notre domaine qui est la recherche scientifique « technique appliquée » est différente d’une thèse dans les domaines tels que les sciences humaines et sociales. La démarche d’étude qui consiste : à faire une revue de littérature sur le sujet, poser des hypothèses, effectuer des essais ou des études de cas, et tirer des conclusions, est la même. Par contre, la différence principale concerne le côté pratique et la notion de résultats livrables ou disons exploitables industriellement.

Cela étant dit, quelques mots sur ma thèse. La dernière décennie est caractérisée par une prise de conscience des enjeux d’utilisation des ressources de manière rationnelle notamment en optimisant l’utilisation de l’énergie. Le challenge actuellement dans les transports est la réduction de consommation d’énergie notamment en diminuant la masse. A fiabilité et durabilité égale et avec un gain de masse important comparé aux matériaux métalliques, les nouveaux matériaux tentent de relever ce défi. Parmi ces matériaux on peut citer les matériaux composites.

Les matériaux composites sont utilisés par exemples dans l’aéronautique. Le dernier exemple le plus probant est l’A380 dont environ 20% de la masse est en matériaux composites permettant un allégement considérable et une consommation d’énergie plus optimisée. Un autre exemple plus concret est la réalisation des tôles transparentes que l’on utilise pour la construction des hangars.

Cette culture de la réduction de la masse classiquement rencontrée dans l’aéronautique est dorénavant également rencontrée dans d’autres industries. Ainsi, le projet ULTIMAT (UtiLisaTion Innovante de nouveaux MATériaux) vise l’allègement des structures ferroviaires. Ce projet a été labellisé par le pôle de compétitivité I-Trans réunit les principaux acteurs de l’industrie, de la recherche et de la formation dans le domaine du ferroviaire des régions Nord-Pas de Calais et Picardie en France.
Dans ce cadre que s’inscrit ma thèse.

Les objectifs de la thèse sont les suivants : le développement de nouvelles méthodes non destructives de détection de défauts par fatigue dans les matériaux composites en couplant la thermographie infrarouge (technique de mesure de la température sans contact par caméra infrarouge) et le c-scan (technique similaire à l’échographie), et l’étude de l’endommagement et du dimensionnement à la fatigue de matériaux composites sandwichs. La fatigue des matériaux est un phénomène qui conduit à la rupture d’une pièce ou d’une structure mécanique sous l’action répétée de sollicitations variables dans le temps. Le livrable dans mon étude a consisté à fournir des données fiables de dimensionnement en fatigue ainsi qu’une expertise sur les différentes techniques de détection de défauts pour les structures composites.

Ce travail peut paraître incompréhensible aux personnes qui ne sont pas du domaine, ce qu’il faut retenir, c’est que cette thèse traite du comportement des matériaux composites qui sont généralement utilisés pour l’allègement des structures en remplacement des matériaux traditionnels. Ce sont des matériaux qui sont utilisés dans de nombreux domaines et ont un potentiel d’adaptation très élevé et notamment au Burkina entre autres dans le domaine du bâtiment.

Comment vous est venue l’idée de faire des recherches sur un tel sujet ?

A la fin de mon stage de DEA, pendant le lequel, j’ai mis en place le système de détection des défauts dans les composites par thermographie infrarouge au sein du Département Technologie des Polymères et Composites et Ingénierie Mécanique de l’Ecole des Mines de Douai en France, mon encadrant Stéphane Panier qui est enseignant chercheur m’a proposé de relever un nouveau défi. Celui de coupler plusieurs techniques de détection de défauts dans les composites afin d’arriver à une fiabilité satisfaisante des pièces industrielles ferroviaires. De plus la perspective de travailler dans un environnement industriel avec plusieurs experts de domaines différents, m’enchantait énormément. Pour conforter mon choix, le directeur de thèse, le professeur Saïd Hariri, avait encadré deux burkinabè avant moi. L’un de ses doctorants, Michel Zongo, est enseignant actuellement à l’université de Ouagadougou.

Vous venez de terminer vos études, quels sont vos projets ?

Actuellement je suis en recherche d’emploi et j’explore un certain nombre de pistes. Les compétences que j’ai eues à développer lors de ma thèse, ainsi que mon diplôme d’ingénieur me permettent d’envisager mon avenir professionnel dans de nombreux domaines. Notamment deux voies sont possibles, celle de la recherche appliquée et celle de l’industrie. Toutes les deux sont intéressantes dans la perspective d’un retour au pays. Je déciderai en fonction des opportunités qui s’offriront à moi.

Vous êtes investi au sein d’une association, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Oui, je fais partie de l’Association des Cadres et Etudiants Burkinabè (LACEB).
LACEB, dont je suis le vice-président chargé des projets, est une association regroupant les Burkinabè de tous les domaines professionnels dans le but de permettre aux cadres et aux cadres en devenir d’accéder à un monde d’opportunités plus élargies. Une première phase de lancement de l’association a eu lieu le 13 décembre 2009 à l’ambassade du Burkina Faso en France. Nous avons la chance d’avoir comme membre d’honneur Son Excellence Luc Adolphe TIAO l’ambassadeur du Burkina Faso en France. Une seconde présentation est prévue courant mars 2010. Le site internet de LACEB dont le lien est le suivant : www.laceb-agora.com sera mis en ligne courant février 2010.

La mise en place de cette association s’est imposée à nous, quand nous avons constaté qu’il existe de nombreux talents au Burkina et dans la diaspora. Cette constatation est un secret pour personne ! Cependant le plus étonnant c’est qu’il n’existe aucune structure exclusivement dédiée aux professionnels qui permette d’évaluer de manière exhaustive les différentes compétences qui, utilisées de manière optimale, aideront certainement le Burkina à aller plus vite de l’avant.

Le contexte actuel de mondialisation et les facilités de communication que donnent l’internet permettent de mettre en réseau toutes les bonnes volontés afin qu’ils travaillent ensemble. Nous sommes actuellement à la recherche de personnes qui veulent créer des annexes au Burkina ainsi que dans les autres pays où il y a la diaspora.

Quels sont vos objectifs, vis-à-vis de la communauté burkinabè ?

Actuellement, j’utilise mon temps libre dans des structures associatives dont les actions ont une finalité d’aider le Burkina.
Mes objectifs à terme (10-15 ans) pour la communauté burkinabé et le Burkina est de mettre mes nombreuses compétences à son service en rentrant au pays. L’avantage de mon profil est que j’ai la double casquette théorique par mes travaux de thèse et pratique par mon diplôme d’ingénieur en conception mécanique et mon DUT en génie mécanique et productique. Je pourrai donc utiliser mes compétences de chercheur, dans la recherche et l’enseignement à l’université et dans des structures privées dans des domaines comme la mécanique, le génie civil et autres. Je pense également à la possibilité de collaboration dans la région ouest africaine et au delà.

D’autre part mon expertise que je renforce continuellement sur la conception mécanique, les matériaux composites et le génie civil me permettront de créer une entreprise. Dans chaque domaine précédemment citée, j’ai une idée de création d’entreprise. Par exemple pour la conception mécanique, un bureau d’étude, pour les matériaux composites, la fabrication de nouveaux matériaux pour l’amélioration de la construction des maisons.

Je ne m’impose pas de limite dans mes réflexions de création d’entreprises tout en étant lucides sur les défis à relever, d’où l’idée de construire mon projet professionnel en prenant des responsabilités dans des structures associatives comme LACEB.
Je fais appel également à toutes les personnes basées au Burkina et de la diaspora qui ont le désir de plus en plus criant de faire quelque chose pour leur pays en créant leur propre activité.

Un conseil pour les étudiants, et peut être futurs docteurs ?

Je ne vais pas leur dire de travailler très fort car en règle général les Burkinabè savent fournir des quantités phénoménales de travail et cela est reconnue au Maroc où les burkinabè sont souvent majors de promotion, en France par l’exemple de réussite que donne de nombreux burkinabè qui sont cadres dans de grandes entreprises et également dans les autres pays.

Par contre j’ai plusieurs maximes qui marchent toujours pour m’encourager à aller de l’avant. La première tirée de la bible est, « quiconque a du courage peut changer son propre avenir ». Ce proverbe me permet d’avoir confiance en mes capacités et tout mettre en œuvre pour réussir tous les projets formulés jusqu’à présent. La seconde maxime quand je suis confronté à une difficulté ou quand je fais une erreur est « la honte n’est pas de tomber mais de ne pas savoir se relever plus tôt ». Cette maxime me permet de repartir à l’assaut avec plus de forces.
Un autre conseil est de planifier chaque action, chaque projet, pas seulement dans la tête mais également par écrit en se fixant des objectifs réalistes et réalisables. J’ai remarqué par exemple que pendant mon travail de thèse, les difficultés que j’ai rencontrées concernaient les actions non suffisamment planifiées. La clé de la réussite est d’imaginer et prévoir le coup d’après et ne jamais s’endormir sur ses lauriers.
Un dernier conseil pour la route, est de solliciter les ainés qui peuvent nous aider à avancer parce qu’ils ont déjà été confrontés aux mêmes défis.

Interview réalisée par Kady Ouédraogo
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