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Modeste Yaméogo dit Naaba Saaga 1er de Issouka : Le chef traditionnel aux trois qualités et trois casquettes

samedi 23 octobre 2010

Cadre des Nations-Unies, fidèle chrétien pratiquant et chef traditionnel de Issouka depuis 2005, Naaba Saaga 1er concilie des qualités pas toujours évidentes. Modeste Yaméogo, de son nom à l’état civil est un homme à multiples casquettes et il s’en accommode assez bien. La politique politicienne n’étant pas « son truc », il préfère se consacrer à la politique de l’enfant et de l’oublié. Nul ne le verra dans un meeting de parti politique, néanmoins, il encourage les politiciens à faire œuvre utile et à éviter la politique du ventre.

Une première sortie avec une toge rouge et un sabre, une deuxième sortie avec une toge blanche, enfin une troisième avec une toge multicolore. Chaque tenue avec une signification bien particulière. Ainsi, se résumait le scénario de la cérémonie solennelle du Nabasga (fête traditionnelle annuelle pour saluer la population) du chef de Issouka le 27 mars 2010. Naaba Saaga 1er reçoit ainsi les hommages et les salutations de son peuple. Autorités politiques et administratives, religieuses et coutumières se succèdent dans son palais Masmen qui signifie en langue moore lieu paisible, de grande douceur. chacun voulant marquer sa présence. Bien sûr d’autres chefs traditionnels comme le Larlé Naaba Ministre du Moogho Naaba, Maitre Titinga PACERE, homme de grande culture et chef Baoulé ainsi que les Naaba de Koudougou y étaient.

Ce chef traditionnel, vous l’auriez rencontré à Ouagadougou en costume et cravate, dans son bureau à l’Unicef, vous ne le reconnaîtriez pas ici. Parmi les chefs qui lui font allégeance, une femme, la première intronisée par un chef moaga. C’est tout dire sur le souci de valoriser la femme dans la tradition Moagha de Naaba Saaga 1er. Au commencement était Yennega. Les Mossi ont toujours valorisé la femme dans la cour de tous les empereurs et des chefs ajoute t’il. Modeste YAMEOGO fier de sa culture n’a pas seulement été bercé par la tradition moaga (son père et son grand-père étaient des Naaba), mais aussi par la religion chrétienne (il a passé 12 ans de sa vie au séminaire chez les camilliens). Actuellement, il officie à l’Unicef comme chargé de communication et ce depuis 1999. Il y est entré 7 ans auparavant comme documentaliste assistant chargé d’information. Cet intellectuel, diplômé de l’université de Bordeaux III fait partie des chefs traditionnels les plus soucieux de bien sauvegarder les valeurs traditionnelles de l’ « empire moaga ».

« J’ai trois qualités que Dieu m’a données et que j’aimerai partager avec le monde qui m’entoure : j’ai connu la force de la misère, j’ai été à l’école des blancs, ce qui m’a ouvert l’esprit, j’ai beaucoup voyagé à travers le monde ». Je ne sais combien de fois j’ai entendu Naaba Saaga prononcer cette phrase pendant le nabasga. Homme satisfait de sa vie, il ne cesse de remercier le bon Dieu de l’avoir accompli. « Si tu sais ce qu’est la souffrance, l’éducation et si tu voyages ; tu sauras que ton village n’est pas le nombril de la terre, ça te permet de comprendre les choses, de relativiser la vie et de se dire que toi aussi tu peux faire bouger les choses pour le bien des autres », précise-t-il.

Intronisé par Naaba Sanem chef de Lallé (Larlé Naaba Tigré) le 29 Janvier 2005 à Koudougou pour succéder à son grand-père Naaba Boulgou, son père Naaba Sigri et son oncle Naaba Baongo, Modeste Yaméogo a choisi trois noms de guerre comme programmes de vie : Kougri, Sigri et Saaga. Tous sont en rapport avec son environnement, le sahel et ses aléas climatiques.

Fils, petit-fils et neveu de Naaba, beaucoup ne le voyaient pourtant pas comme un futur chef traditionnel. Peut-être même pas lui-même. Fidèle catholique pratiquant, ancien séminariste, Modeste souhaitait être prêtre. Ce qui l’aurait éloigné du trône de son père. Et d’aucuns voient une antinomie entre un bon chrétien et un chef traditionnel. Erreur. « Chef traditionnel et fidèle chrétien, ce n’est pas antinomique. Pas du tout, pas du tout, pas du tout », insiste l’ancien séminariste. Il trouve là l’occasion de lever l’amalgame. Une confusion que lui-même faisait avant d’être Naaba. « Le chef traditionnel n’immole pas de poulets, pas du tout (trois fois). Il est le gardien des traditions. Cette tâche incombe aux chefs de terre qui sont les dépositaires des sacrifices », précise-t-il. Donc, un fervent chrétien, un fervent musulman peut être chef traditionnel. Il y a un comportement passé qui a dérouté les gens et « nous n’expliquons pas assez », ajoute-t-il.

Même Naaba, Modeste père de trois enfants continue d’être un fidèle chrétien pratiquant, marié à l’église tout comme son père qui était chef et fervent chrétien. « Le Laalé Naaba qui m’a intronisé est un catholique pratiquant, Beaucoup de chefs sont musulmans, chrétiens », rappelle-t-il. A son intronisation, Modeste Yaméogo a demandé aux protestants, musulmans et catholiques de bénir son trône et tous ont accepté. De toute façon, ces différentes religions prônent toutes l’amour entre les hommes. Donc « pas de raison d’exclure qui que ce soit dans mes activités ». La foi doit contribuer au bien-être de l’homme.

Tradition, la batterie de ma vie

Modeste Yaméogo et son épouse à Rome, sur la place St-Pierre « Avant d’être aux Nations-Unies, je suis un Yaméogo » qui signifie en langue mooré le roi de la brousse. C’est d’ailleurs pourquoi deux lions trônent sur la place Naaba Boulgou devant son palais (l’un veut dire roi de la brousse et l’autre roi des eaux). Naaba Saaga1er souhaite que tous les Yaméogo du Burkina Faso se retrouvent à travers ces lions. C’est juste la signification de leur nom de famille. « C’est ainsi qu’on berce nos bébés, qu’on encourageait nos parents quand ils allaient en guerre, qu’on chantait leurs louanges dans les moments de gloire mais aussi de difficultés », souligne-t-il. « La tradition, la culture c’est la batterie de ma vie, c’est l’énergie qui me permet de fonctionner. C’est le fondement de ma vie », confesse-t-il. C’est d’ailleurs la tradition qui a permis au Japon de se relever après la seconde guerre mondiale, rappelle l’ambassadeur du Japon au Burkina, présent lors de la cérémonie du Nabasga. C’est tout dire sur l’importance de la culture.

« Il faut maîtriser sa tradition sinon, on ne va pas réussir le greffage. On ne sera ni Français, ni Anglais, ni Peulh, ni Mossi… », soutient Naaba Saaga. Tant qu’on ne s’appuiera pas sur notre culture, nos traditions, notre développement restera au stade de concept. « Nos 50 ans d’indépendance, 50 ans de recherches, 50 ans de grandes interrogations resteront 50 ans de perdition. Nous pouvons encore nous ressaisir », prévient-t-il. Pour un chef traditionnel en phase avec les soucis de notre monde, Naaba Saaga en est un. Quand il y a quelque chose qui dérange la tranquillité de la population comme le SIDA, le chef se doit de réagir et non considérer les victimes comme des parias. Il faut les aider. Naaba Saaga est retourné à la tradition pour apporter sa contribution à la lutte contre cette pandémie. Cette année, il a placé sa fête traditionnelle sous le thème : « la chefferie traditionnelle, un outil de la non stigmatisation des PV-VIH ». Et, il promet de poursuivre la lutte.

« Je voulais être prêtre chez les camilliens pour soigner les malades et Dieu a conduit mes pas à l’Unicef où le mandat est de s’occuper de la survie et du bien-être des enfants ». Déjà à Saint-Camille, il travaillait à la pédiatrie. L’Unicef n’est qu’une continuité de ce qu’il faisait et lui permet de s’épanouir et de se réaliser pleinement.

Naaba Saaga est très présent à Koudougou pour écouter la population de base dans ses joies et ses peines. Il aménage son temps pour allier responsabilité de chef traditionnel, chargé de communication et de plaidoyer à l’Unicef, père de famille et fidèle chrétien sans que l’une ne prenne le dessus sur l’autre. De toute façon « le temps a été balisé par l’homme et s’il veut, il peut le maîtriser ». Il gère le projet plaidoyer afin que les autorités du Burkina puissent intégrer la notion du bien-être des enfants dans leur décision. Tout ça lui prend énormément de temps mais il le fait avec beaucoup de passion.

Modeste Yaméogo, un Naaba apolitique

La politique. A 52 ans, Naaba Saaga n’en sait pas grand-chose, contrairement à la plupart des chefs traditionnels actuels. « Je fais la politique du bien être de l’enfant et de la femme à l’Unicef. A travers la chefferie, je fais la politique du pauvre et de l’oublié. Si c’est ça faire de la politique, j’en fais ». Mais la politique politicienne avec des partis, il estime ne pas en avoir les qualités nécessaires. D’ailleurs, aux Nations-Unies, il est astreint au droit de réserve. Par conviction personnelle, il déclare ceci : « laissons chacun faire ce qu’il fait bien. Les autres font très bien ce qu’ils font et moi je fais de mon mieux pour le bien-être de l’enfant et des oubliés. Ensemble, on se croise et se complète pour le bien de la personne humaine ». Par contre, il encourage les gens à voter, ce qui est un acte citoyen. « Choisissez celui qui vous aura convaincu car dans l’isoloir, c’est entre vous et Dieu », déclare-t-il. « Mais, vous ne me verrez pas dans un meeting de parti politique », se presse-t-il d’ajouter. Ce n’est d’ailleurs pas très intéressant pour un chef « d’être partisan ». Il encourage néanmoins les politiciens à bien faire leur travail, car il faut bien que des gens fassent de la politique. Mais seulement pour le bien-être du peuple. Pas pour d’autres raisons bassement matériel. Ils doivent avoir une vision, un projet de société et aider le peuple à rêver et à construire la nation pour le bien de tous.

Sociologue et communicateur de formation et de profession, Modeste Yaméogo a travaillé pendant quatre années au service d’information de la mission française de coopération et d’Action culturelle de l’ambassade de France auprès du Burkina Faso. En plus du plaidoyer, des relations extérieures et de la mobilisation des ressources en relation avec les comités nationaux pour l’Unicef qui sont ses domaines de d’action, il a contribué fortement à la création du Parlement des enfants du Burkina Faso et avec les partenaires du gouvernement burkinabè à l’élaboration d’un plan intégré de communication pour le programme élargie de vaccination en faveur des enfants.

Le fonctionnaire des Nations-Unies, intronisé Naaba de Issouka (Koudougou) depuis 2005 prend l’engagement de faire rayonner la culture moaga qui pourrait être un des socles du développement du Burkina Faso .

Moussa Diallo
Lefaso.net

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