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Souley Ouédraogo, bâtisseur de ponts entre le Burkina et le Congo

mercredi 20 janvier 2010

Parti de son Yatenga natal à la recherche du bonheur, Souley Ouédraogo a séjourné dans plusieurs pays africains avant de poser définitivement ses valises au Congo. Simple apprenti ouvrier au départ sans formation, il est aujourd’hui à la tête d’une entreprise de bâtiments des plus cotées de Pointe Noire. Accessoirement diplomate, l’homme est un exemple de courage et d’intégrité.

Dans le quartier O.C.A.H SOPROGI de Pointe Noire, la deuxième ville du Congo Brazzaville, face au Collège Kwamé Nkrumah, flotte, devant un pavillon à deux niveaux, deux bandes horizontales rouge et verte frappées au milieu d’une étoile jaune à cinq branches, le drapeau du « Pays des hommes intègres ». Bienvenue chez Souley Ouédraogo, directeur de la Société congolaise d’étanchéité, carrelage et revêtement (SOCECAR) et Consul honoraire du Burkina à Pointe Noire depuis 2004.

Tous les Burkinabè de Pointe Noire connaissent cette adresse, un bout du pays où on se retrouve régulièrement pour échanger, suivre et commenter, grâce au satellite, l’actualité du pays diffusée sur la télévision nationale du Burkina (TNB). Ce soir là, un compatriote qui a profité d’un séjour au Burkina pour se marier, est venu lui présenter son épouse. Souley Ouédraogo félicite le couple, bénit leur union, puis lâche ce commentaire taquin et affectif qui provoque l’hilarité générale : « Comment un vilain type comme toi a pu séduire une si belle et charmante fille comme celle-là ? »

A 55 ans, marié à 22 ans et père de cinq enfants, ce natif de Sissamba dans le Yatenga, est pour eux, plus qu’un simple consul. Grand frère pour certains à qui on confie ses soucis, ami pour d’autres, Souley Ouédraogo représente pour tous une personne ressource très attentive aux problèmes des autres, et qui n’hésite pas à puiser dans sa cassette personnelle pour donner un coup de pouce au nouvel arrivant, histoire de l’aider à s’insérer socialement et professionnellement.

Le parcours et la réussite de Souley Ouédraogo, aujourd’hui à la tête d’une entreprise de bâtiment qui affiche un chiffre d’affaires de 2 milliards de F CFA, emploie une trentaine de salariés permanents et environ 90 salariés temporaires au Congo, sont un hommage au courage et à la capacité de l’homme à inventer son propre destin. C’est aussi la preuve qu’il n’y a pas de fatalité à la pauvreté et la misère, que rien n’est joué à l’avance. Après le Certificat d’études primaires (CEP), le jeune Souley Ouédraogo également admis au concours d’entrée en sixième, s’inscrit au Cours normal de Ouahigouya, mais s’intéresse aussi aux formations à certains métiers, sans savoir exactement ce qu’il a envie de faire plus tard.

En 1970, un événement va cependant bouleverser profondément le cours de sa vie, le poussant à opter pour la formation aux métiers au détriment de l’enseignement général. Incapable de s’acquitter du montant total de l’impôt de capitation, cette taxe coloniale levée par tête d’habitant, son père est arrêté par des militaires sous le regard impuissant de sa famille, puis emprisonné pendant quelques jours. Une humiliation et une profonde blessure pour Souley Ouédraogo, qui garde encore intact le souvenir de cet événement qu’il évoque, plus de trente après, avec émotion. Dieu seul sait le nombre de familles burkinabè que cet impôt a longtemps traumatisées, avant d’être supprimé sous la révolution démocratique et populaire. « J’ai dis à mon père que je ne pouvais plus continuer des études dans de telles conditions et lui ai annoncé que j’allais apprendre un métier », se rappelle Souley Ouédraogo.

Le 17 décembre 1971, son grand frère l’embarque pour Ouagadougou où il le présente à un français, patron de la Société voltaïque étanchéité et carrelage (SOVEC). Là, il apprend à poser des carreaux, une tâche qu’il accomplit sans trop d’enthousiasme, car ce qui l’intéresse, c’est aller sur les chantiers, être étancheur, et il le fait savoir. « Tu es encore jeune, ça va être trop dur pour toi » lui répond le patron. « Oui, je suis petit, mais je suis résistant et la dureté du travail ne m’effraie pas » rétorque t-il. On l’envoie alors rejoindre un groupe d’ouvriers commis à la construction des premiers bâtiments de l’université de Ouagadougou. Doué, Souley Ouédraogo apprend très vite à poser les revêtements d’étanchéité au point qu’en 1974, le jugeant suffisamment compétent, son patron l’envoie superviser la construction de la Banque de développement du Mali (BDM). « La première guerre Mali-Burkina m’a trouvé là-bas » se souvient-il. A peine rentré, il est désigné pour aller construire l’hôtel de la RAN de Bobo-Dioulasso, puis le bureau de la poste de Banfora. A Ouagadougou, il profite de son temps libre pour parfaire son apprentissage auprès de formateurs sénégalais installés dans le quartier Kolog-Naba.

Méticuleux, toujours prêt à aller au charbon, Souley Ouédraogo devient très vite l’homme de confiance du patron. De 1976 à 1984, il est nommé responsable des chantiers à Lomé. « J’étais devenu un cadre de la boite puisque mon salaire mensuel est passé de 40 000 à 100 000 F CFA par mois, ce qui était une grosse paye à l’époque ».

Au Congo, la SOVEC a décroché le marché de la construction de la Tour Mayombe, l’un des plus hauts immeubles du pays, inauguré en 1982 par le président congolais Denis Sassou Nguesso et Thomas Sankara, alors premier ministre du Burkina. Au cours de la cérémonie, ses supérieurs le présentent à Sankara et lui expliquent que c’est lui qui a assuré les travaux d’étanchéité. Souley Ouédraogo se rappelle encore des mots très aimables qu’a eu le futur numéro un du Conseil national de la révolution (CNR) à son endroit. « Souley, si tu viens à Ouaga, passe me voir. Un homme comme toi, on peut te nommer directeur des travaux publics » lui aurait-il dit. De passage au pays, il rapporte la scène à son grand frère, lequel le conseille de vaquer tranquillement à ses occupations et de ne pas se mêler des affaires politiques.

Les travaux terminés, il retourne à Lomé où sont restés son épouse et leurs enfants, mais pas pour longtemps. En 1986, son patron qui a flairé de bonnes opportunités d’affaires au Congo, a décidé d’y créer une filiale de la société dans laquelle il s’octroie 50% du capital, réserve 15% à son fils, 15% à Souley Oudéraogo, et 15% à un partenaire congolais comme le prescrit la loi du pays.

Quelque temps après leur arrivée à Brazzaville, son épouse, qui peine à s’adapter à son nouvel environnement, décide finalement de repartir à Lomé. « Elle n’a pas supporté la vie de Brazzaville qu’elle trouvait trop chère. Avec 500 F, elle ne pouvait même pas avoir les légumes qu’elle achetait à 200 F à Lomé », raconte Souley Ouédraogo, qui n’a pas réussi à la retenir malgré son confortable salaire. Au plan professionnel, les affaires marchent plutôt bien et la société ne manque pas de marchés.

Mais en 1993, patatras, la guerre éclate, première d’une série qui endeuillera le Congo durant la décennie quatre-vingt-dix. « Nos bureaux étaient près de l’aéroport et la nuit, ça tirait de partout ». A bout de nerfs, le fils du patron craque, informe son père qu’il va fermer les bureaux et quitter le pays. Souley Ouédraogo s’y oppose : « On ne peut pas quitter un pays comme ça alors qu’on gagne de l’argent » objecte t-il. Face à son entêtement, le père, en accord avec son fils, lui remettent les clés de l’entreprise puis le mettent en garde : « Si tu ne fermes pas, c’est à tes risques et périls ; s’il t’arrive quelque chose, c’est ton problème ».

Qui ne risque rien n’a rien, se convainc-t-il. Désormais seul maître à bord, Souley Ouédraogo réorganise la société et porte ses parts dans le capital à 50%. Les affaires marchent à nouveau, le marché de l’étanchéité étant florissant dans un pays abondamment arrosé. Il entrevoit de beaux jours devant lui, mais c’était sans compter avec la folie qui s’était emparé de la société congolaise. En 1997, éclate une deuxième guerre qui faillit lui être fatale. Par chance, avec son épouse entre temps revenue à Brazzaville, ils sont évacués à Libreville, au Gabon, avant de regagner le Burkina. Les mains vides ! « Ce que j’ai perdu, je l’ai évalué à environ 500 millions de F CFA », confie Souley Ouédraogo, toujours prêt à tenter à nouveau l’aventure hors de son pays. C’est alors que « le miracle » se produit. Un jour, il reçoit un coup de fil d’un dirigeant du groupe pétrolier Elf Congo, devenu Total, qui souhaite lui confier les travaux de réfection et d’étanchéité de leurs bâtiments, d’un montant de 180 millions de F CFA. A sec, Total, consent à lui faire une avance de 60 millions pour lui permettre de commencer, une perche que notre aventurier a su saisir pour rebondir.

A la fin de la guerre intervenue en octobre 1997, il est sollicité pour rénover la Banque internationale du Congo, un établissement que le vainqueur, Denis Sassou Nguesso, tenait à rouvrir avant début décembre de la même année. Depuis, celui qui est arrivé au Congo il y a 20 ans est devenu une référence dans les travaux d’étanchéité et sa société rebaptisée Société congolaise d’étanchéité, carrelage et revêtement (SOCECAR) est très sollicitée aussi bien au Congo qu’au Gabon, en Centrafrique et au Tchad.

Peu expansif mais d’un abord facile, Souley Ouédraogo est un exemple d’intégrité et d’une remarquable sociabilité. Déjà secrétaire général de l’Association des ressortissants burkinabè au Togo, le virus de la vie associative ne l’a pas quitté lorsqu’il dépose ses valises à Brazzaville. Avec son expérience, il redynamise l’Association des ressortissants burkinabè au Congo tombée depuis quelques années dans une profonde léthargie. Son activisme séduit les membres de l’association, qui décident de lui confier la présidence. En 1996, à la tête d’une forte délégation, il se rend à Pointe Noire pour accueillir le président Blaise Compaoré en visite dans cette ville. « Blaise Compaoré nous a reçus durant une heure et il était tellement content que sur place, il a dit à son ministre des Affaires étrangères, Ablassé Ouédraogo, de me donner un passeport diplomatique ».

A l’en croire, les quelques 600 Burkinabè vivant au Congo sont appréciés dans leur pays d’accueil. Une chose leur fait cependant cruellement défaut : le Burkina ne dispose d’aucune représentation diplomatique dans toute l’Afrique centrale. Au cours d’une réunion, l’Association prend la décision d’écrire au gouvernement pour demander l’ouverture d’un consulat au Congo, à défaut d’une ambassade. Les membres de l’association se concertent, et à son insu, proposent son nom. Le 12 mai 2004, il est nommé en conseil des ministre Consul honoraire du Burkina à Pointe Noire. « La nomination de Monsieur Souley Ouédraogo participera à la protection des Burkinabè dans cette partie de l’Afrique centrale et contribuera à n’en pas douter au renforcement de notre coopération avec ce pays » lit-on dans le compte rendu du conseil des ministres.

Consciencieux, le nouvel Consul honoraire prend au sérieux ses nouvelles responsabilités. Certes, le poste est purement honorifique et le titulaire n’est pas rémunéré, mais le titre lui ouvre des portes et lui facilite certaines démarches, parfois personnelles. « Quand je vais à Brazzaville rencontrer un ministre, dans la salle d’attente, j’ai la priorité sur les autres », reconnaît-il. Le titre lui permet de prendre des initiatives visant à renforcer les relations entre les deux pays, qui étaient devenues franchement exécrables au lendemain de l’assassinat de Thomas Sankara en octobre 1987. L’année dernière, il a ainsi organisé une colonie de vacances à Ouagadougou au profit de cinq jeunes congolais, « pour qu’ils découvrent le Burkina et apprennent à connaître leurs camarades burkinabè ». Il faut dire que les parents étaient réticents à envoyer leurs gamins dans un pays lointain qu’ils ne connaissent pas. Mais après le reportage sur leur séjour, fait par un journaliste congolais et diffusé à la télévision congolaise, et qui lui valu les félicitations des autorités de son pays d’accueil, Souley Ouédraogo s’attend cette année à recevoir au moins une centaine de candidatures.

A présent, il met son énergie à faire aboutir un projet qui lui tient particulièrement à cœur : faire venir des Burkinabè au Congo pour travailler dans l’agriculture, un secteur qui attire peu de Congolais. En espérant la signature d’une convention instituant la libre circulation des biens et des personnes entre les deux pays, ce qui faciliterait les choses, le Consul honoraire a déjà repéré des sites dans le nord du Congo qui seraient très propices à certaines cultures. « Il faut qu’on échange nos compétences, c’est comme ça que nos peuples se connaîtront et qu’on développera l’Afrique ». Paroles de panafricaniste !

Joachim Vokouma,
Lefaso.net

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